Dans les brumes de Capelans – Olivier Norek

Résumé

Une île de l’Atlantique, battue par les vents, le brouillard et la neige…
Un flic qui a disparu depuis six ans et dont les nouvelles missions sont classées secret défense…
Sa résidence surveillée, forteresse imprenable protégée par des vitres pare-balles…
La jeune femme qu’il y garde enfermée…
Et le monstre qui les traque.
Dans les brumes de Capelans, la nouvelle aventure du capitaine Coste se fera à l’aveugle.

Mon avis:

J’avais quitté le capitaine Coste sur un final tout en « tension » et même si six ans se sont passés, pour lui comme pour nous, j’ai été ravie de le retrouver.

Il vit maintenant sur l’île de Saint Pierre où il exerce une nouvelle facette de son métier. Il évite tout contact humain et s’il n’avait pas son métier, je pense qu’il aurait fait un ermite parfait. Et puis, arrive Anna.

Avant de vous parler d’elle, j’ai envie de faire un aparté sur le début de ce roman qui donne déjà le ton de ce qu’on va lire. Le premier chapitre m’a directement interpelée car j’ai cru qu’une certaine chose allait se passer alors je dois dire que j’ai été très surprise le chapitre suivant. En effet, l’auteur a posé les jalons pour que j’échafaude directement une théorie sur la tournure qu’allaient prendre les évènements, tout ça pour me retourner complètement le cerveau avec un twist impossible à voir venir. D’un côté, j’ai été soulagée et de l’autre, j’applaudis parce que généralement, c’est en fin de roman qu’on se rend compte qu’on a été mené en bateau, pas dès les premières lignes. Franchement, je m’incline.

Revenons à Anna. Le deuxième chapitre la mentionne rapidement avant que l’histoire n’embraye, dix ans après. Nous savons peu de choses sur elle. C’est un mystère à elle toute seule et Coste a été choisi pour la déchiffrer.

Pendant tout le long du récit, ce qui a prédominé chez moi quand je lisais sur elle, était de l’ambivalence. Les romans policiers m’ont appris à toujours me méfier de tout le monde et à remettre en question tout ce qu’ils peuvent dire alors, à part Coste, personne n’avait ma confiance dans ce récit. Pas même Anna. Dans le même temps, à chaque fois qu’elle prononçait une parole, j’étais pendue à ses lèvres. Je recherchais dans ses paroles le moindre indice qui pouvait m’aider à dérouler le fil de l’histoire. Je cherchais à me faire une idée de son caractère, de ce qu’elle taisait.
Je la traitais comme un suspect ou comme un personnage non fiable et en même temps, ma fibre féministe me fustigeait. Elle m’engueulait, me reprochait de faire comme les Hommes. Etais-je enrôlée par ce maudit patriarcat? Pourquoi doutais-je d’elle alors qu’on me disait d’emblée qu’elle était innocente?
Arrivée à la fin du premier tiers du roman, alors qu’un élément m’avait fait tiquer mais que j’avais fait taire ma conscience, j’ai eu ma réponse. Page 215. Les premières lignes de la page m’ont donné une certitude absolue. Je vous tairai ma réaction pour ne pas en dévoiler plus et vais détourner le sujet avec une citation qui m’a fait sourire. Tout fan d’ Olivier Norek d’ailleurs, sourira devant cette pique.

[…] le coeur inconsolable, surtout les chiens, puisqu’il reste encore à prouver que les chats ont des sentiments.

En tant que femme à chiens, je suis obligée de sourire devant parce que quand même, faut dire que les chats en prennent pour leur grade avec Olivier Norek!

En parallèle, certains chapitres se passent dans la tête du tueur et cela nous glace d’effroi. Plus que l’horreur de ce qu’il commet, j’ai été marquée par son attitude, son raisonnement, sa manière d’analyser ce qui l’entoure. Quand vous avez un bourrin devant vous, vous savez comment le gérer mais quand il est intelligent, il devient un cauchemar. Entre Michael Myers et Freddie, je dis toujours que je préfèrerais avoir Freddie comme allié et je n’en démords pas. Le tueur donc, fait passer Dans les brumes de Capelans dans la catégorie des thrillers psychologiques/huis clos/course contre la montre, mais celui-ci se déguste lentement, savoureusement. Olivier Norek y insuffle une humanité qui nous émeut et qui nous parle. Il y a des phrases qui nous percutent de plein fouet par la vérité qu’elles énoncent mais surtout parce qu’elle résonnent en nous.

Et puis, il y a ces phrases qui semblent prédire notre avenir, surtout au vu de l’actualité. Monsieur Norek, auriez-vous fait un bond dans le temps et l’espace en allant à Saint Pierre ?

On est en sursis […]. S’il y a des femmes battues, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles restent à la cuisine, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles ne gagnent pas le même salaire, c’est que l’homme l’a décidé. Si elles doivent cacher leurs cheveux ou leur visage, c’est que l’homme l’a décidé. […] Uniquement parce que l’homme a quinze kilos de muscles en plus. Il n’y a pas d’autre raison. Si le lundi, ils décidaient de nous mettre en esclavage, le mardi, l’affaire serait pliée. Ils ont la supériorité physique et je ne connais pas une seule espèce animale qui n’ait pas soumis ses inférieurs. On est en sursis et personne ne viendra nous défendre.

Je sais que le récit a été écrit depuis un moment mais je ne peux que penser à l’actualité des Etats-Unis devant ce passage.

J’ai particulièrement apprécié, même si je ne devrais pas, les chapitres autour d’Esther. La façon de réagir de Coste reflète parfaitement ma pensée. A ce moment-là, j’ai eu envie de l’applaudir. Il fait écho à l’écœurement que je ressens dernièrement face aux réactions des autorités, celles-là même auxquelles ont fait confiance pour nous protéger mais surtout, il fait écho à ce que je ressens de manière générale. Je suis déçue mais il reste tout de même une petite étincelle qui croit en la Justice. Si ce n’est des Hommes, alors karmique.

L’action monte crescendo peu avant le dernier tiers du roman. Le voile est levé. Des surprises nous tombent dessus, venant faire battre notre coeur à mille à l’heure. Et puis… Bam! Voilà-t-il pas qu’il reste un dernier rebondissement et pas le plus petit. Non non non! C’est LE rebondissement qui vous laisse sur le popotin et bouche bée. LE rebondissement que jamais, vous n’avez vu venir et qui change radicalement votre façon de voir l’histoire. S’il fallait résumer mes réactions, ce serait dans l’ordre: « Non?! », suivi de « C’est pas vrai! » puis, « Punaise » répété plusieurs fois, « Punaise, il l’a fait! » (Il, étant monsieur Norek, bien sûr), et enfin « Purée! Wouah! » toujours répété plusieurs fois.

Tout ça pour que l’apothéose se fasse page 419 avec un beau « Non! Il l’a pas fait, hein???? » et moi en train de me demander si je continue ma lecture ou pas, apeurée de découvrir la suite…

Et puis, en relisant le premier chapitre – parce qu’avec un final pareil, j’ai eu l’irrépressible envie de relire le bouquin – en sachant tout ce que je sais, je me rends compte que mon premier instinct n’avait pas complètement tort et que l’auteur nous a donné sa carte maîtresse dès les premiers mots. Vous êtes fort, Monsieur Norek!

Au final, je referme Dans les brumes de Capelans avec le sentiment d’être vidée, triste. Comme si j’avais couru un marathon et en même temps, pleuré toutes les larmes de mon corps sans arrêter d’être inconsolable. Ce roman laisse une empreinte profonde car il sort nettement du cadre du polar pour nous mettre face à notre humanité. Je ressens un profond désarroi parce que maintenant, j’ai l’impression de quitter un ami au plus bas du gouffre et que je ne sais pas si je le reverrai. Quelques jours après avoir terminé le roman une première fois, j’ai un énorme book hangover et pour un roman policier, c’est exceptionnel!

Oui, c’est dire à quel point ce roman est excellent! Alors, hop hop hop, prenez vite votre billet pour Saint Pierre!

Et vous verrez, même les pages de remerciements sont savoureuses à lire! Peut-être en sirotant un verre de whisky à la cannelle. Ou pas.


Pour apprendre à connaître le capitaine Victor Coste, retrouvez mon avis sur:
Code 93.
Territoires.
Surtensions.

Vous trouverez Melchior dans : Surface.

3 commentaires sur « Dans les brumes de Capelans – Olivier Norek »

  1. Ce sera probablement l’un des seuls thrillers que je lirais cette année. Je guette les prochains achats de ma bibliothèque et je ne doute pas qu’ils finiront pas acquérir ce roman. J’avais tellement aimé les 3 premiers! J’espère autant l’aimer que toi 😀

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